À L’HEURE DU RÉVEIL

Début avril, sept heures du matin. La nuit est partie, l’aube s’installe. A l’horizon, quelques faisceaux de lumière annoncent l’arrivée du soleil. Timidement, les gris et les noirs se colorent.

Il y a quelques jours, un groupe d’échasses blanches a atterri dans le marais. Une seule parmi elles est restée. Elle arpente son domaine, sans jamais s’arrêter, indifférente aux autres canards encore endormis. Un pas derrière l’autre, dans un ballet rythmé, que seule une foulque irascible parvient à accélérer.

Quelques minutes et, derrière moi, le soleil franchit la montagne. Il fait pâlir la lune, dernier vestige de l’ombre qui fut. Il inonde de couleurs les roseaux et l’étang. La nature se réveille.Installé aux premières loges, je savoure le spectacle.

Le pic épeiche tambourine sur le vieil arbre gardien des lieux, le chant du merle domine celui des autres oiseaux, le busard des roseaux survole l’étang… Il est temps de partir. Un autre ballet, auquel je ne suis pas convié aujourd’hui, se met en place.

L’ÉCHASSE BLANCHE

Himantopus himantopus

Avec mes longues jambes interminables, la grâce de mes mouvements, l’élégance discrète de ma robe, je suis l’incarnation de la beauté. Alors je me cache pour ne pas vous éblouir.

Vous voulez m’admirer ? Allons, n’insistez pas. Vous y tenez vraiment ? Enfin…vous l’aurez voulu !

Ce matin, après une bonne nuit de sommeil, je suis encore plus belle.

Aujourd’hui, c’est dimanche. Je me suis parée de mes meilleurs atours.

Marais de Sionnet/GE, avril 2021

LE COMBATTANT VARIÉ

Calidris pugnax

Vous me trouvez terne et insignifiant ? Vous avez peut-être raison. Toutefois, ce n’est que provisoire…

Quelques jours plus tard, mes couleurs ont déjà changé.

Marais de Sionnet/GE, avril 2021

Revenez dans quelque temps, lorsque, collerette multicolore dépliée, je courtise ces dames.

Mais je ne serai peut-être plus là !

Marais de Sionnet/GE, avril 2022

LE MARAIS DE SIONNET

Quelques marais enfouis dans des roseaux impénétrables, un torrent, la Seymaz, au débit incertain, des terres agricoles en friche ou cultivées, des bosquets étriqués, le tout très fréquenté par les coureurs à pied, les cyclistes et les promeneurs de chiens et de bambins.

Tout devrait me conduire à fuir cet endroit et pourtant, contradiction de l’âme humaine, il s’agit de l’un des endroits que j’aime le plus.

Car les lumières du matin, quand la nature s’éveille et les humains dorment encore, y sont sublimes. Car ces brèves moments de solitude sont soudainement brisés par le cri du faisan, la vision du sanglier quittant ses roseaux pour s’aventurer dans le marais ou l’insouciance des tarins des aulnes venant profiter de leur nourriture préférée. Car la patience est souvent récompensée par la surprise.

Au fil des saisons, une faune abondante et variée fréquente les lieux. Certes souvent cachée et difficile à observer, mais toujours présente. Et quand, parfois bredouille, je décide de quitter mon terrain de jeu, chassé par mes congénères, c’est en songeant d’y revenir admirer les canards en vol qui défient la boule du soleil se couchant là-haut, sur la colline.

LA GRUE CENDRÉE

Grus grus

Qui n’a jamais entendu les grues cendrées jouer de la trompette, là-haut dans le ciel ?

Toutefois, les entendre et les voir évoluer avec grâce et élégance parmi les nuages reste un moment de plaisir intense.

Bolla Rossa/TI, mars 2021

Elle n’a aucune raison d’être là, toute seule. S’est-elle égarée ? Mystères de la nature. Tant qu’à faire, elle pourrait se rapprocher un peu…

Foce della Maggia/TI, avril 2023

LE LAC LÉMAN

L’hiver se termine, une nouvelle saison s’annonce. Avec elle, nous partirons à la recherche de nouvelles aventures…

Toutefois, les quelques jours qui nous séparent du printemps nous donnent l’ occasion de parler des milliers de canards, plongeurs ou de surface, qui sont venus se reposer sur les eaux du lac Léman, le plus grand des lacs d’Europe occidentale, zone humide d’importance internationale.

Entre décembre et mars, ce fut un vrai régal de partir à leur découverte, jumelles et téléobjectifs prêts à jaillir. Les bons endroits pour le faire sont légion. Becsetailes en a largement fréquenté quelques uns, d’autres restent à explorer, mais le prochain hiver sera bientôt là…

De Genève à Villeneuve, voici nos coins secrets.

  • Pointe à la Bise : un petit coin de paradis, souvent battu par le vent, comme son nom l’indique. Une réserve de Pro Natura avec une tour d’observation très bien conçue, des centaines de canards, mais aussi quelques oiseaux qui viennent jouer dans les arbres et les roseaux que nous surplombons. N’est-ce-pas le roitelet à triple bandeau ?

Des couchers de soleil à coupler le souffle.

  • La nouvelle plage des Eaux-Vives : un minuscule îlot de nature en pleine ville, au milieu des badauds, des coureurs à pieds et des promeneurs de chiens… Un aménagement récent déjà fréquenté par le râle d’eau ou le martin pêcheur.

A quelques pas, parmi les bateaux somnolents de la Nautique, des centaines de couples de nettes rousses se régalent. Parfois un canard mandarin égaré leur rend visite.

  • La plage du Reposoir : un endroit sans prétention, au bord de l’axe routier Genève-Lausanne, à la circulation incessante. Quelques mètres de gazon qu’apprécient la bernache à cou roux ou celle du Canada. Mais aussi, plus inattendu le troglodyte mignon.
  • Port Choiseul : des centaines de morillons et de foulques macroules, des dizaines de grèbes huppés, deux hérons cendrés qui se tiennent toujours au même endroit, un martin-pêcheur qui dispose de quelques bateaux en guise de perchoir… Avec un peu de chance et beaucoup de persévérance, un harle huppé qui, l’espace de quelques jours, est venu rendre visite à ses cousines, les harles bièvres.
  • Le Creux-de-Genthod : en été, il vaut mieux l’éviter. Les filets de perche du restaurant attirent de nombreux Genevois. Mais en hiver, seuls quelques canards fréquentent les lieux, dont des bernaches nonnettes…
  • La Dullive : ce minuscule port près de Gland est la patrie des morillons et des milouins. Il passerait presque inaperçu si le fuligule à bec cerclé n’avait pas pris l’habitude d’y venir jeter un coup d’oeil…
  • Le port de Rolle : ici, les arbres côtoient l’eau. Mésanges, pies et buses variables saluent les nombreux canards venus se reposer dans les eaux calmes du port. Parfois, le chevalier guignette et le troglodyte mignon y font leur apparition. Une héronnière attend ses hôtes…
  • Villeneuve : sa baie abrite toute sorte de canards, certains tout près, d’autres, plus discrets, au large. Son port de l’Ouchettaz attire des hôtes inhabituels, tels l’eider à duvet ou le bécasseau variable.

Le vol incessant des cygnes conduit le regard vers les digues de la réserve des Grangettes toute proche. Quelques pas et vous y êtes…

LA SARCELLE D’ÉTÉ

Spatula querquedula

La voici de retour ! Comme les hirondelles et les milans noirs, cette grande migratrice annonce le printemps et ses beaux jours.

Mais il faut la trouver, car elle ne court pas nos lacs et étangs. Un tuyau ? Elle se mélange souvent à ses cousines, les sarcelles d’hiver.

Marais de Sionnet/GE, mars 2021

Ou alors, vous elle vient à votre rencontre lorsque vous ne l’attendiez pas.

Lac des Vernes/GE, mars 2021

Nous n’étions pas là spécialement pour lui. Mais il est tellement beau !

Bolla Rossa/TI, juin 2022

L’IBIS FALCINELLE

Plegadis falcinellus

Pourquoi a-t-il quitté l’accueillant delta du Danube pour venir picorer quelques insectes et mollusques dans les eaux du Léman ? Seul lui le sait.

Peut-être pour nous permettre de l’admirer. Et nous en profitons, car il n’est pas souvent chez nous.

Embouchure du Mujon/VD, mars 2021

Il a fallu attendre deux ans. Le revoilà.

Lieu dit « Les Quatre-Vingts »/Yverdon, mai 2023

L’OIE DES MOISSONS

Anser fabalis

J’avais cru l’observer il y a presque une année entre Rhône et lac Léman. Je me trompais. Il a fallu attendre pour qu’elle vienne s’inscrire sur le site.

Elle a beau dessiner des vagues spectaculaires dans le ciel, mais elle ne se pose pas souvent dans nos contrées…

Laghetto di Gudo/TI, mars 2021

L’EIDER À DUVET

Somateria mollissima

Des côtes rocheuses de la mer du Nord, aux limites de la banquise, aux eaux tempérées du lac Léman, cela semble impossible. Et pourtant, ce sont bien des eiders qui batifolent sous mes yeux. C’est dû à l’abondance des moules zébrées dont il raffole, paraît-il…

Mais trêve de ripailles. Il est plus urgent de conquérir la jolie femelle qui traîne dans les parages. Mission délicate, car ils sont six !

Port de l’Ouchettaz/VD, mars 2021

Migrateurs ou sédentaires ? Je l’ignore. Mais ce qui compte est que cet oiseau semble prendre du plaisir à fréquenter les eaux de nos lacs.

Rapperswil/SG, mars 2022