AURIED LA MAGNIFIQUE

Il s’agit de remédier à un oubli, car la réserve d’Auried aurait déjà dû figurer sur ce blog depuis longtemps, dès notre première visite en juin 2022.

Ce petit bout de nature, perdu à la frontière entre les cantons de Berne et Fribourg n’est pas seulement un coin magnifique, mais aussi un parfait exemple de réserve bien pensée et encore mieux réalisée.

Kleinbösingen, vous connaissez ?

Le sentier serpente entre joncs et marais. De nombreux points d’observation, intelligemment cachés derrière des barrières de branches coupées font oublier les discrets fils d’acier barrant l’accès aux zones protégées. Il aboutit à un confortable observatoire où plane en permanence le maître des lieux, le milan royal.

Au gré des saisons, une couleuvre peut parcourir sa gouille, un bihoreau quitter sa cachette dans les roselières, une hermine se faufiler dans les buissons, le blanc de son manteau rehaussé d’une touche de brun au bout de sa queue.

Le castor, lui, est invisible. Mais les traces de ses dents dans les troncs des arbres, elles, sont bien présentes.

Dans cette froide matinée de janvier, les étangs gardent leur robe de glace. Une troupe de canards colverts semblent l’ignorer. Un faucon crécerelle va d’affût en affût. On ne sait jamais.

Puis, deux renards nous offrent un incroyable ballet.

DANSE AVEC LES PINSONS

Certes, il est connu que, pendant leur migration, les Pinsons du Nord se réunissent, très nombreux, pour passer la nuit dans un coin douillet.

Le savoir c’est une chose, avoir la possibilité de les observer c’en est une autre. Cela tombe bien. L’un de nos sites ornithologiques préférés vient de signaler qu’une colonie estimée entre un million et quatre millions d’individus, vient de s’installer près de Langenthal.

Pouvions-nous rater le spectacle ? La réponse est évidente.

Une fin d’après-midi d’hiver, aux alentours de 1500 heures. Le ciel est gris, il pleuvine. Caroline, la régionale de l’étape, est notre guide. Il faut arriver sur place à l’avance, pour éviter la foule, paraît-il. Quelques kilomètres sur une route forestière où la lumière se fait rare. Un parking improvisé à une centaine de mètres d’une clairière. Nous y sommes et nous ne sommes pas les premiers.

Deux Éperviers planent dans le ciel. Comme nous, mais pour d’autres raisons, ils attendent l’arrivée des Pinsons, planifiée pour 1600 heures.

Voilà les premiers, quelques dizaines. Puis le ciel bouge. Des vagues incessantes d’oiseaux arrivent de tout part, se dispersent pour mieux se reformer un instant plus tard. Des centaines, des milliers, de très nombreux. Cessons de compter et admirons ce spectacle incroyable.

J’ai beau savoir que la lumière est exécrable, que le brouillard nous enrobe, que mes photos seront mauvaises. Mon objectif danse la gigue, mes doigts courent sur les réglages de l’appareil, je peste contre un autofocus erratique . Impossible de résister à l’envie de capturer une image de ces moments enchanteurs.

Le ciel s’obscurcit. Un bref instant, le temps que les Pinsons dessinent une nouvelle arabesque. Mais une nouvelle ondée est déjà là et le scénario se recompose. C’est un spectacle en noir et blanc, mais dans mes yeux dansent les couleurs.

La nuit s’approche. La forêt s’immobilise. Mais partout résonne le chant du Pinson du nord.

UN PERCHOIR PAS COMME LES AUTRES

Année après année, dès le mois de mai, les guêpiers arrivent dans la campagne genevoise.

Branle-bas de combat pour les ornithologues et les photographes du coin ! Impossible de résister à la beauté de ces oiseaux dont les reflets multicolores changeant au gré des rayons de lumière illuminent le ciel et les arbres où ils se posent.

Leurs sites de nidification rigoureusement protégés, ils demeurent très souvent assez loin de l’objectif. Difficile de réussir la photo du siècle.

L’un de nous a eu l’idée de génie : installer un perchoir dans leur terrain de chasse ! Pas grand-chose, juste quelques branches dénudées qui s’élancent dans le ciel.

Aux alentours, des herbes hautes, quelques buissons et des ronces, juste de quoi estomper la silhouette de l’observateur. Les guêpiers ne craignent guère la présence de l’homme, à condition d’éviter des gestes brusques.

La priorité lui revient de droit.

À nous de prendre la relève. Avec patience, car d’autres perchoirs abondent dans le coin. Une, deux, trois fois, plusieurs heures d’attente. La récompense est enfin là !

Quatre, cinq, six fois… Nous avons perdu le compte. Chasseurs impitoyables, les guêpiers virevoltent au-dessus de nos têtes, à la poursuite de leurs proies. Enfin, en voilà un venu déguster son dîner !

Le temps passe vite, pas question de s’ennuyer. D’autres amis viennent tâter le confort du perchoir magique.

Nous avons eu raison d’attendre. Une dernière visite : changement de menu au programme.

CIEL, UN POISSON !

Dans un village, les cloches ont sonné. Dix-huit heures ont passé. Seuls dans l’observatoire de la Bolla Rossa, Christine et moi apprécions la paix qui règne sur la lagune et les lumières qui jouent avec les eaux du delta.

Tout est calme autour de nous. Grèbes huppés, foulques et colverts vaquent à leurs occupations, quelques échassiers picorent le sable, Mme le busard des roseaux plane dans le ciel. Soudains, ses yeux font des étincelles. Ciel, un poisson !

Un gros, même. Un repas de reine. Et pour elle seule. Tout au moins le croit-t-elle…

Quelques coups de bec plus tard, un héron cendré tout d’abord, puis une buse variable s’invitent au festin. Commence alors un combat acharné, un ballet fait d’attaques feintes ou réelles, d’esquives et de parades, de fuites stratégiques pour mieux revenir. Un spectacle pour nos yeux.

Qui a gagné ? Tout le monde. Chacun a eu sa part.

ILS VOLENT

Ils ont des ailes, ils les utilisent. L’aigle plane là-haut dans le ciel, le faucon pique sur sa proie, le martin-pêcheur plonge sur son poisson, la bécassine fuse de sa cachette… Je pourrais continuer à l’infini. Chaque oiseau a sa façon de s’exprimer.

Je ne connais aucun photographe animalier qui n’ait pas essayé de capturer le vol de l’un ou l’autre. Un art difficile qui réussit uniquement aux meilleures parmi nous.

Mais les choses changent. L’avènement des appareils hybrides avec leur autofocus époustouflant a passablement modifié la donne. Plus besoin d’être des surdoués, un peu de patience et de persévérance suffisent pour réussir un cliché.

Alors l’idée me vient. Pourquoi pas un blog sur les oiseaux en vol ? Sans contrainte de temps et de lieu, sans référence aux chapitres de l’un ou l’autre oiseau présent sur le site, juste pour le plaisir des yeux.

Michel Denis-Huot, célèbre photographe animalier français, auquel je demandais un jour comment il réussissait à capturer le mouvement d’un animal, m’a conseillé, un brin goguenard, de m’entraîner avec les mouettes. J’ai donc suivi son conseil.

Le vol lent bien que majestueux du héron cendré est aussi un bon sujet de débutant, d’autant plus qu’il est désormais un habitué de nos marais et de nos prés.

C’est une autre paire de manche avec le pouillot véloce. Comme son nom l’indique, il est rapide et il ne cesse de papillonner dans la végétation. Et, avouez-le, il n’est pas immense…

Nous avons l’habitude de voir les foulques courir sur l’eau, pattes et ailes moulinant ensemble, à la poursuite de l’imprudent qui a pénétré dans leur territoire. Il est très rare de les apercevoir en vol. Et pourtant, elles savent le faire.

L’étang bouge, ce matin. Décollages, vols désordonnés, atterrissages… On dirait que les canards font leur gymnastique matinale.

Les souchets sont déchaînés, mais les sarcelles d’hiver ne sont pas en reste.

Le domaine des airs est leur royaume. Ils planent, là-haut dans le ciel, grâce aux thermiques qui n’ont pas de secrets pour eux, les rapaces. Mais de temps en temps, ils daignent presque redescendre sur terre.

Tous les pilotes vous le diront : voler c’est facile, atterrir l’est moins. Il faut admettre que lui, il est à l’aise dans cet exercice.

LE KLINGNAUER STAUSEE

Reconnu comme zone d’hivernage d’importance internationale pour les oiseaux d’eau, le réservoir de Klingnau est un but incontournable pour tous les amateurs d’observation de la faune.

Il était donc temps de le découvrir.

Ce dimanche 2 janvier 2022 est le dernier jour de fermeture du centre nature de Birdlife. Dommage, mais pas essentiel. Les oiseaux ne connaissent pas de jour de repos. Tout au plus, ils peuvent encore dormir lors de notre arrivée…

Mais pas pour longtemps. Des centaines de sarcelles d’hiver accompagnent nos premiers pas sur la rive gauche du lac. À peine un peu moins nombreux, les chipeaux font bande à part. D’autres, comme la poule d’eau et même la foulque macroule, se font plus discrets.

Le marais avec ses roseaux impénétrables qui résonnent de chants d’oiseaux souvent invisibles sont désormais derrière nous. L’Aar se dévoile, le paysage prend de l’ampleur. Mais il reste toujours un coin caché où découvrir l’aigrette qui chasse et le cormoran qui pêche.

Aujourd’hui, c’est l’heure du pilet et du courlis cendré, demain peut-être celle du cygne chanteur. Une chose est certaine. Ici, le spectacle est permanent !

LE FLACHSEE

Le château de Lenzburg vous sert de repère. Quittez l’autoroute avant que celle-ci vous conduise à Zurich. Direction Wohlen, puis Unterlunkhofen. Traversez le village, trouvez le pont qui enjambe la rivière. Un parking vous attend, l’aventure commence.

En amont, une usine hydroélectrique calme, tout au moins provisoirement, la fougue de la Reuss. La rivière s’apaise, prend de l’ampleur, s’insinue entre marais, îlots et bancs de sable.

Quelques pas sur le chemin, entre forêt et eau, sur la rive gauche du lac et les morillons vous observent.

Ils ne sont que les signes avant-coureurs d’un spectacle se renouvelant sans cesse, car ici une multitude d’oiseaux trouvent nourriture et repaire, les uns dans les roseaux, les autres sur le perchoir d’une branche ou la berge d’une île.

Cigognes, hérons, grandes aigrettes, goélands et mouettes, des centaines de canards. Même le grand corbeau se fait entendre dans le bois.

En ce jour de fin décembre, les badauds sont nombreux. Qu’importe. La magie de l’endroit vous les fait vite oublier…

Quelques kilomètres plus loin, un pont en bois traverse la rivière. Un dernier coup d’œil à des dizaines de milouins qui s’envolent. Une forêt clairsemée annonce la fin des paysages sauvages. Nous y cherchons, en vain, le grimpereau des jardins, nous apercevrons l’espace d’un instant le martin-pêcheur.

Le chemin de retour s’écarte du lac, traverse des champs cultivés. Une buse variable s’envole, se perche sur un piquet pour mieux nous observer. Nous entrons dans le royaume du milan royal qui plane là-haut, au sommet des arbres. Il suffit de l’attendre, car bientôt il nous rejoindra, surveillant de près son garde-manger.

Plus loin, un observatoire se profile. Malheureusement, il est en plein contre-jour, il aurait fallu y arriver ce matin. La fin du spectacle s’annonce.

LE JOUR ET LA NUIT

Les passereaux guettent l’aube pour s’envoler, les canards sont des lève-tard, les corneilles n’ont pas d’horaire, les hérons ne font qu’à leur guise…

Malgré son appareil dernier cri et son gros téléobjectif, la mésange bleue est trop lointaine. Il faut tenter une approche. Zut, elle est partie…

La grive draine ne l’a pas vu. Elle se pose sur une branche. Un rapide controle de l’ouverture, une vérification de la vitesse. Où est-elle ? Elle n’est plus là.

Le soleil se cache derrière un nuage, le ciel se couvre, la pluie arrive…

Dure est la vie du photographe animalier.

La patience est sa seule arme. Le temps s’écoule. La lumière s’amenuise, la nuit arrive. C’est la fin de l’aventure.

Et bien, non. Un autre monde s’annonce.

UN COMBAT SANS VAINQUEUR

L’automne s’écoule, paisible, sur la campagne genevoise. Jour après jour, là-haut dans le ciel, plane un rapace. La buse variable est la reine des airs. Les autres oiseaux de proie sont partis ou ne sont pas encore de retour. Tout au plus, un faucon crécerelle vient lui faire allégeance…

Un coup d’aile, un élégant virage, une glissade, elle atterrit dans un pré ou se perche sur une branche, à la recherche de sa pitance.

Mais elle a pénétré dans le royaume des corneilles. Des escarmouches éclatent, prélude au véritable combat qui aura lieu un jour.

Ce jour qui est enfin arrivé aujourd’hui, dans les cieux du marais de Sionnet.

Une première passe d’armes…

…suivie d’une deuxième.

Ni vainqueur, ni vaincu. Chacun a regagné son territoire.

LE LAC D’INKWIL

Comment aurions-nous pu le découvrir, sans l’aide de Caroline ?

Perdu au milieu des terres arables et des pâturages, caché par une ceinture d’arbres et des roseaux, ce petit lac, partagé par deux cantons, Berne et Soleure, passe totalement inaperçu. Seuls les habitants du coin et quelques ornithologues expérimentés peuvent le connaître…

Il ne manque pourtant pas de cachet, ce jour-là à l’aube.

Et il n’est pas seulement beau. Aussi bien habité. Blongios nains et crabiers chevelus se cachent dans les deux îles au milieu du lac, avec leur progéniture, les rousserolles effarvattes se montrent des courts instants avant de disparaître dans les roseaux. Quelques grèbes huppés se promènent nonchalants en compagnie d’un couple de cygnes et six cygneaux. Un épervier sème la panique…

Et si, comme nous, vous avez la chance de parcourir ses rivages avec un monsieur très passionné et passionnant, Hans-Peter Äschlimann, qui connaît par coeur tous ses habitants, votre bonheur ne peut être que total, même si le faucon pélerin ne veut pas se montrer ce jour-là.

A découvrir au fil des saisons et au coucher du soleil…