LE POUILLOT DE BONELLI

Déjà qu’il n’est pas évident du tout de distinguer un Pouillot véloce d’un Pouillot fitis, pour ne pas parler du Pouillot ibérique, en voilà un quatrième, cachottier en plus, qui se dissimule dans les feuillages et se dérobe à l’observation. Très souvent, seul son chant dévoile sa présence.

Et, lorsque les feuillages sont absents, il trouve moyen de se cacher derrière les branches !

Son dessous blanc satiné le rend différent des autres.

RETOUR SUR NOS PAS

Fin mai, nous disposons de quelques jours libres de toute obligation. Pourquoi ne pas les passer dans le coeur des réserves faunistiques autour d’Yverdon ?

En voiture. Direction la réserve naturelle de Champ-Pittet, à Cheseaux-Noréaz, gérée par Pro Natura. Nous la connaissons bien. Elle déçoit rarement.

Dans la forêt, les chants des oiseaux foisonnent, mais nous avons beau chercher, ils restent cachés dans les frondaisons. Un rouge gorge nous fait l’honneur de se montrer quelques instants, un pinson des arbres est moins timide. Les passerelles dans le marais sont aussi désertes.

Il ne nous reste qu’à espérer une meilleure chance dans les deux observatoires en bordure d’étang, surtout dans le deuxième construit au raz de l’eau.

Le lac de Neuchâtel est très haut. L’eau a avalé les quelques grèves et les roseaux plongent dans la lagune. Les rousserolles, effarvattes et turdoïdes, apparaissent un instant, avant de trouver refuge dans les profondeurs des joncs. Souvent, très souvent, mais pas toujours.

Un cygne vient nous rendre visite, histoire de nous aider à patienter. Un grèbe huppé aussi.

Le blongios nain fait son apparition. Une fusée se cachant immédiatement dans les roseaux pour mieux en repartir quand nous l’avons oublié. Ce n’est que le début d’une histoire à rebondissement, mais nous ne le savons pas encore.

Il est temps de gagner notre camp de base au Mont-Vully. Notre prochain objectif, le port de Gletterens n’est qu’à une quinzaine de kilomètres.

Situé dans l’une des réserves naturelles de la Grande Cariçaie, sur la rive sud du lac de Neuchâtel, il nous accueille avec une averse qui cessera dès que nous aurons sorti nos tenues de pluie…

Le port, où parfois traîne le martin-pêcheur est presque désert. Un couple de foulques macroules y élève ses trois enfants. Notre progression fait fuir un faucon que je parviens à cadrer un très court instant, en plein contre jour. Notre premier faucon hobereau ! Mais, soyons honnêtes. Nous l’identifions uniquement en regardant les quelques clichés que nous sommes parvenus à réaliser.

Un blongios nain joue avec nos nerfs. Le temps de l’apercevoir en vol et il s’est déjà caché dans les roseaux. Une, deux, trois fois.

Les heures passent sans que nous nous en apercevions. Auried, notre réserve préférée n’est pas à deux pas. Il est déjà presque 1400 heures lorsque nous grignotons nos sandwiches dans le petit parking à l’entrée.

La période n’est pas la plus favorable. La végétation luxuriante et les hautes herbes offrent un repaire idéal au monde ailé. Mais il nous reste la tour d’observation qui domine prairies humides et lagunes.

Quelques amis viennent nous tenir compagnie et occupent notre longue attente.

Attente de quoi, me demandez-vous. Mais du faucon hobereau, pardieu ! Cette fois-ci, Christine le voit arriver de loin. Il fait le tour de l’observatoire et, malgré la rapidité de son vol, nous parvenons à le cadrer trois ou quatre fois. Un petit nouveau qui a droit à un chapitre à part.

C’est tellement inattendu que nous décidons de revenir le lendemain matin. Mais les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Il ne reviendra pas.

Qu’importe. Il y a toujours quelque chose à voir à Auried. Un couple d’hérons cendrés nourrit ses trois rejetons, déjà avancés dans l’âge, sur une petite île au milieu de la lagune. Et les blongios continuent à gagner leur bataille avec nos téléobjectifs. Une couple cette fois-ci. Il se montre et il disparaît. Nous en avons désormais l’habitude.

Un chevreuil court dans les champs. Il apparaît et disparaît dans les coquelicots. Une rare barge à queue noire se cache dans les herbes, presque invisible. Un couple de vanneaux huppés chasse le milan royal qui voltige au-dessus de leur tête.

Cap sur Cudrefin. La jetée qui longe le canal de la Broie est un peu décevante, cette fois-ci. Des colverts, deux ou trois cygnes, les cormorans, mais c’est plutôt vide. Un arbre est tombé sur le chemin. Il nous oblige à un détour dans la forêt. L’occasion d’admirer un superbe pic noir qui s’envole lorsque nous levons nos téléobjectifs.

Le centre Birdlife de la Sauge est un peu plus vivant. Ce n’est pas la période idéale pour observer le martin-pêcheur. Il nous fait juste l’honneur de survoler le petit étang. Il ne reviendra pas, malgré l’attente. Une bergeronnette grise prend sa place sur les perchoirs et une jeune héron cendré tente sa chance avec les poissons. Une grenouille coasse avec force. Réclame-t-elle une photo ?

L’île du grand étang est submergée. Seul le nid d’une foulque persiste à son sommet. Deux aigrettes garzette au loin, une couple d’oies cendrées avec leur trois fistons.

Il est temps de quitter les lieux et de terminer notre petit voyage là où nous l’avons commencé.

Depuis l’observatoire de Champ-Pittet nous admirons un blongios nain qui nous fait son cinéma habituel. Il s’envole encore une fois. Mais cette fois-ci, il se pose dans le roseaux, à une quinzaine de mètres de nous.

La photographie animalière est une question de chance. A condition de savoir l’attendre…

UNE JOURNÉE PAS COMME LES AUTRES

Le marais de Sionnet est sans aucun doute l’endroit que je fréquente davantage à Genève dans ma quête d’observation ornithologique. Parfois, il est désespérément vide, les oiseaux ayant décidé ayant décidé de le bouder et les canards se cachant dans les roseaux.

Aujourd’hui, il semble être l’un de ces jours. Même les Foulques se font rares… Mes jumelles ont beau chercher, rien ne bouge.

Je m’apprête à rebrousser chemin, à retourner à la voiture, quand il apparaît là-haut, sur le vieil arbre cassé.

Mon appareil est soulagé. Il a pu prendre un cliché. Il n’imagine même pas ce qui l’attend.

Un râle d’eau sort de sa cachette. Cet oiseau, timide et furtif, se cachant toujours dans les roseaux, a décidé de jouer à la vedette. Il cherche sa pitance en eaux libres, à une dizaine de mètres de moi, planté sur le chemin, sans aucun déguisement possible. Spectacle rare et fascinant.

Pas de repos pour le guerrier. Un Milan noir se balade au-dessus de ma tête. Banal, me dites-vous ? Peut-être, mais il n’est pas seul. Pour une fois, d’houspillé il devient houspilleur. Un couple de Faucons crécerelles l’agace, il le pourchasse et le met en fuite.

Du purgatoire au paradis, un bon mot de fin pour cette journée.

AURIED LA MAGNIFIQUE

Il s’agit de remédier à un oubli, car la réserve d’Auried aurait déjà dû figurer sur ce blog depuis longtemps, dès notre première visite en juin 2022.

Ce petit bout de nature, perdu à la frontière entre les cantons de Berne et Fribourg n’est pas seulement un coin magnifique, mais aussi un parfait exemple de réserve bien pensée et encore mieux réalisée.

Kleinbösingen, vous connaissez ?

Le sentier serpente entre joncs et marais. De nombreux points d’observation, intelligemment cachés derrière des barrières de branches coupées font oublier les discrets fils d’acier barrant l’accès aux zones protégées. Il aboutit à un confortable observatoire où plane en permanence le maître des lieux, le milan royal.

Au gré des saisons, une couleuvre peut parcourir sa gouille, un bihoreau quitter sa cachette dans les roselières, une hermine se faufiler dans les buissons, le blanc de son manteau rehaussé d’une touche de brun au bout de sa queue.

Le castor, lui, est invisible. Mais les traces de ses dents dans les troncs des arbres, elles, sont bien présentes.

Dans cette froide matinée de janvier, les étangs gardent leur robe de glace. Une troupe de canards colverts semblent l’ignorer. Un faucon crécerelle va d’affût en affût. On ne sait jamais.

Puis, deux renards nous offrent un incroyable ballet.

DANSE AVEC LES PINSONS

Certes, il est connu que, pendant leur migration, les Pinsons du Nord se réunissent, très nombreux, pour passer la nuit dans un coin douillet.

Le savoir c’est une chose, avoir la possibilité de les observer c’en est une autre. Cela tombe bien. L’un de nos sites ornithologiques préférés vient de signaler qu’une colonie estimée entre un million et quatre millions d’individus, vient de s’installer près de Langenthal.

Pouvions-nous rater le spectacle ? La réponse est évidente.

Une fin d’après-midi d’hiver, aux alentours de 1500 heures. Le ciel est gris, il pleuvine. Caroline, la régionale de l’étape, est notre guide. Il faut arriver sur place à l’avance, pour éviter la foule, paraît-il. Quelques kilomètres sur une route forestière où la lumière se fait rare. Un parking improvisé à une centaine de mètres d’une clairière. Nous y sommes et nous ne sommes pas les premiers.

Deux Éperviers planent dans le ciel. Comme nous, mais pour d’autres raisons, ils attendent l’arrivée des Pinsons, planifiée pour 1600 heures.

Voilà les premiers, quelques dizaines. Puis le ciel bouge. Des vagues incessantes d’oiseaux arrivent de tout part, se dispersent pour mieux se reformer un instant plus tard. Des centaines, des milliers, de très nombreux. Cessons de compter et admirons ce spectacle incroyable.

J’ai beau savoir que la lumière est exécrable, que le brouillard nous enrobe, que mes photos seront mauvaises. Mon objectif danse la gigue, mes doigts courent sur les réglages de l’appareil, je peste contre un autofocus erratique . Impossible de résister à l’envie de capturer une image de ces moments enchanteurs.

Le ciel s’obscurcit. Un bref instant, le temps que les Pinsons dessinent une nouvelle arabesque. Mais une nouvelle ondée est déjà là et le scénario se recompose. C’est un spectacle en noir et blanc, mais dans mes yeux dansent les couleurs.

La nuit s’approche. La forêt s’immobilise. Mais partout résonne le chant du Pinson du nord.

UN PERCHOIR PAS COMME LES AUTRES

Année après année, dès le mois de mai, les guêpiers arrivent dans la campagne genevoise.

Branle-bas de combat pour les ornithologues et les photographes du coin ! Impossible de résister à la beauté de ces oiseaux dont les reflets multicolores changeant au gré des rayons de lumière illuminent le ciel et les arbres où ils se posent.

Leurs sites de nidification rigoureusement protégés, ils demeurent très souvent assez loin de l’objectif. Difficile de réussir la photo du siècle.

L’un de nous a eu l’idée de génie : installer un perchoir dans leur terrain de chasse ! Pas grand-chose, juste quelques branches dénudées qui s’élancent dans le ciel.

Aux alentours, des herbes hautes, quelques buissons et des ronces, juste de quoi estomper la silhouette de l’observateur. Les guêpiers ne craignent guère la présence de l’homme, à condition d’éviter des gestes brusques.

La priorité lui revient de droit.

À nous de prendre la relève. Avec patience, car d’autres perchoirs abondent dans le coin. Une, deux, trois fois, plusieurs heures d’attente. La récompense est enfin là !

Quatre, cinq, six fois… Nous avons perdu le compte. Chasseurs impitoyables, les guêpiers virevoltent au-dessus de nos têtes, à la poursuite de leurs proies. Enfin, en voilà un venu déguster son dîner !

Le temps passe vite, pas question de s’ennuyer. D’autres amis viennent tâter le confort du perchoir magique.

Nous avons eu raison d’attendre. Une dernière visite : changement de menu au programme.

CIEL, UN POISSON !

Dans un village, les cloches ont sonné. Dix-huit heures ont passé. Seuls dans l’observatoire de la Bolla Rossa, Christine et moi apprécions la paix qui règne sur la lagune et les lumières qui jouent avec les eaux du delta.

Tout est calme autour de nous. Grèbes huppés, foulques et colverts vaquent à leurs occupations, quelques échassiers picorent le sable, Mme le busard des roseaux plane dans le ciel. Soudains, ses yeux font des étincelles. Ciel, un poisson !

Un gros, même. Un repas de reine. Et pour elle seule. Tout au moins le croit-t-elle…

Quelques coups de bec plus tard, un héron cendré tout d’abord, puis une buse variable s’invitent au festin. Commence alors un combat acharné, un ballet fait d’attaques feintes ou réelles, d’esquives et de parades, de fuites stratégiques pour mieux revenir. Un spectacle pour nos yeux.

Qui a gagné ? Tout le monde. Chacun a eu sa part.

ILS VOLENT

Ils ont des ailes, ils les utilisent. L’aigle plane là-haut dans le ciel, le faucon pique sur sa proie, le martin-pêcheur plonge sur son poisson, la bécassine fuse de sa cachette… Je pourrais continuer à l’infini. Chaque oiseau a sa façon de s’exprimer.

Je ne connais aucun photographe animalier qui n’ait pas essayé de capturer le vol de l’un ou l’autre. Un art difficile qui réussit uniquement aux meilleures parmi nous.

Mais les choses changent. L’avènement des appareils hybrides avec leur autofocus époustouflant a passablement modifié la donne. Plus besoin d’être des surdoués, un peu de patience et de persévérance suffisent pour réussir un cliché.

Alors l’idée me vient. Pourquoi pas un blog sur les oiseaux en vol ? Sans contrainte de temps et de lieu, sans référence aux chapitres de l’un ou l’autre oiseau présent sur le site, juste pour le plaisir des yeux.

Michel Denis-Huot, célèbre photographe animalier français, auquel je demandais un jour comment il réussissait à capturer le mouvement d’un animal, m’a conseillé, un brin goguenard, de m’entraîner avec les mouettes. J’ai donc suivi son conseil.

Le vol lent bien que majestueux du héron cendré est aussi un bon sujet de débutant, d’autant plus qu’il est désormais un habitué de nos marais et de nos prés.

C’est une autre paire de manche avec le pouillot véloce. Comme son nom l’indique, il est rapide et il ne cesse de papillonner dans la végétation. Et, avouez-le, il n’est pas immense…

Nous avons l’habitude de voir les foulques courir sur l’eau, pattes et ailes moulinant ensemble, à la poursuite de l’imprudent qui a pénétré dans leur territoire. Il est très rare de les apercevoir en vol. Et pourtant, elles savent le faire.

L’étang bouge, ce matin. Décollages, vols désordonnés, atterrissages… On dirait que les canards font leur gymnastique matinale.

Les souchets sont déchaînés, mais les sarcelles d’hiver ne sont pas en reste.

Le domaine des airs est leur royaume. Ils planent, là-haut dans le ciel, grâce aux thermiques qui n’ont pas de secrets pour eux, les rapaces. Mais de temps en temps, ils daignent presque redescendre sur terre.

Tous les pilotes vous le diront : voler c’est facile, atterrir l’est moins. Il faut admettre que lui, il est à l’aise dans cet exercice.

LE KLINGNAUER STAUSEE

Reconnu comme zone d’hivernage d’importance internationale pour les oiseaux d’eau, le réservoir de Klingnau est un but incontournable pour tous les amateurs d’observation de la faune.

Il était donc temps de le découvrir.

Ce dimanche 2 janvier 2022 est le dernier jour de fermeture du centre nature de Birdlife. Dommage, mais pas essentiel. Les oiseaux ne connaissent pas de jour de repos. Tout au plus, ils peuvent encore dormir lors de notre arrivée…

Mais pas pour longtemps. Des centaines de sarcelles d’hiver accompagnent nos premiers pas sur la rive gauche du lac. À peine un peu moins nombreux, les chipeaux font bande à part. D’autres, comme la poule d’eau et même la foulque macroule, se font plus discrets.

Le marais avec ses roseaux impénétrables qui résonnent de chants d’oiseaux souvent invisibles sont désormais derrière nous. L’Aar se dévoile, le paysage prend de l’ampleur. Mais il reste toujours un coin caché où découvrir l’aigrette qui chasse et le cormoran qui pêche.

Aujourd’hui, c’est l’heure du pilet et du courlis cendré, demain peut-être celle du cygne chanteur. Une chose est certaine. Ici, le spectacle est permanent !

LE FLACHSEE

Le château de Lenzburg vous sert de repère. Quittez l’autoroute avant que celle-ci vous conduise à Zurich. Direction Wohlen, puis Unterlunkhofen. Traversez le village, trouvez le pont qui enjambe la rivière. Un parking vous attend, l’aventure commence.

En amont, une usine hydroélectrique calme, tout au moins provisoirement, la fougue de la Reuss. La rivière s’apaise, prend de l’ampleur, s’insinue entre marais, îlots et bancs de sable.

Quelques pas sur le chemin, entre forêt et eau, sur la rive gauche du lac et les morillons vous observent.

Ils ne sont que les signes avant-coureurs d’un spectacle se renouvelant sans cesse, car ici une multitude d’oiseaux trouvent nourriture et repaire, les uns dans les roseaux, les autres sur le perchoir d’une branche ou la berge d’une île.

Cigognes, hérons, grandes aigrettes, goélands et mouettes, des centaines de canards. Même le grand corbeau se fait entendre dans le bois.

En ce jour de fin décembre, les badauds sont nombreux. Qu’importe. La magie de l’endroit vous les fait vite oublier…

Quelques kilomètres plus loin, un pont en bois traverse la rivière. Un dernier coup d’œil à des dizaines de milouins qui s’envolent. Une forêt clairsemée annonce la fin des paysages sauvages. Nous y cherchons, en vain, le grimpereau des jardins, nous apercevrons l’espace d’un instant le martin-pêcheur.

Le chemin de retour s’écarte du lac, traverse des champs cultivés. Une buse variable s’envole, se perche sur un piquet pour mieux nous observer. Nous entrons dans le royaume du milan royal qui plane là-haut, au sommet des arbres. Il suffit de l’attendre, car bientôt il nous rejoindra, surveillant de près son garde-manger.

Plus loin, un observatoire se profile. Malheureusement, il est en plein contre-jour, il aurait fallu y arriver ce matin. La fin du spectacle s’annonce.